Cent mots pour « Écrire dans les pas de Geneviève Pastre »   
       De 2013 à 2014 : Quand les amours s’embobinent.   


  
  « Pour écrire ce texte de fiction « dans les pas de Geneviève Pastre » avec ces cent mots que m'ont donnés les festivalières de Cineffable, j'ai choisi de partir d'une citation de Geneviève Pastre, une citation empreinte de désir, une citation « un peu longue » comme me l'a décrite Patricia de Cineffable au moment où nous avons choisi les phrases pour la performance du 31 octobre 2013.
  « Me voici donc avec cent mots, un incipit que se partagent Geneviève Pastre et Patricia, et nos amours qui s'embobinent. Cela fait beaucoup de jouissance attendue. N'attendons plus. »

Cy Jung, 14 décembre 2013.

  

  
Accroche. Accroche-cœur. Aigrette. Aimée & Jaguar. Aimer. Azur. Butch. Callipyge. Caressefil. Censurer. Cerise. Chair. Chance. Chavirer. Chevelure. Clapotis. Corps. Couleur. Cyprine. Danser. Détendre. Détours. Dévorer. Doigt. Donner. Dormir. Douceur. Drap. Drapeau. Éclair. Éclairer. Éclater. Effleurer. Embobinette. Enlacer. Entortiller. Étoile. Fièvre. Fil. Filles. Fils. Fourrure. Frôler. Gâteau. Geneviève. Intensité. Intimider. Jalousie. Jouir. Lesbonophiler. Livre. Lumière. Main. Maux. Mémoire. Miauler. Miroirs. Moiteur. Mouchoir. Mystère. Nuit. Obsidienne. Oiseau. Partager. Passion. Peau. Peloter. Perdurer. Perle. Photo. Plénitude. Rage. Réaliser. Regarder. Rencontrer. Résister. Ressentir. Rêve. Révolte. Rougir. S’emboîter. S’enhardir. Schiste. Se faufiler. Se reconnaître. Sensualité. Sérendipité. Sourire. Taquiner. Tempête. Tendresse. Trahison. Train. Troubler. Velours. Vent. Vie. Vouloir. Yeux. Zemblanité.


    « Je savais que j'aimais le corps, la grâce, le visage féminin. Je fus apparemment vaincue aux alentours de mes 24 ans. Je me débattis exactement comme quelqu'un se noie. Et depuis lors, c'est une joie constante, en dépit des douleurs que comporte toute vie, en même temps qu'un sentiment de force inaltérable de m'être trouvée, d'avoir trouvé les femmes, et de savoir que c'est ce qui me fait vivre, agir, penser, rire, écrire, aimer et, du même coup, pouvoir penser le monde. »*
    — Celle-ci, je sais qu’elle est trop longue. Mais elle me parle tellement !**

    Trop Longue ? Elle m'apparaît pourtant si peu bavarde, obsidienne pour sûr, quand la nuit lèvera ses mystères, mais bavarde, non, elle ne l'est pas. C'est d'un simple sourire qu'elle me taquine… Veut-elle que l'on s'enlace ? Elle a ses chances. Mon fils est chez la nourrice et, d'emblée, son accroche me trouble. Autant dire que je ne suis pas loin de prendre ce qu'elle veut me donner. Pourquoi me censurer ? Ma cerise est en révolte.
    Elle m'interpelle :
    — Il ne sert à rien de lesbonophiler ! Portons haut le drapeau de la zemblanité, et l'embobinette cherra !
    Je ne comprends pas. Je rêvais d'une butch qui me peloterait sans détour et me voilà troublée par un petit oiseau fragile qui me parle de plénitude avec des mots aussi délétères que le gaz de schiste ! Elle poursuit.
    — La sérendipité ! Tout est dans la sérendipité ! Tiens, prends ce caressefil, oublie ce que tu sais de la douceur, dévore ma fourrure, et nous tisserons fil après fil de la pure essence de filles.
    De la cyprine ? Avant de m'enhardir, je dois me détendre. Je respire. Elle me sourit toujours. Je résiste, un peu, puis en un éclair, je réalise ! Geneviève. Un livre. Sa main qui vise mes rondeurs callipyges. Ses seins qui sont deux étoiles et m'intimident. Tout y est. C'est parti ! On s'emboîte. Je m'emballe. Elle me déballe. Je m'entortille. Mon corps vacille, mon ventre, ma poitrine. Sa chair, du train à l'accroche-cœur, me soulève. Je déploie mes ailes, ses yeux en miroir, et me voilà, l'aigrette ébouriffée, aussi nue qu'Aimée devant Jaguar au premier jour. Je miaule. Je rougis. Ma mémoire fait défaut. Je la regarde et je me reconnais.
    Ma peau enfin frise sous le clapotis de sa chevelure. Nous nous frôlons dans la moiteur de nos draps. Nos doigts se faufilent à la vitesse de la lumière. Ô ! sensualité. Ô ! tendresse, mon amie. Sa vulve est de velours ; j'en dénoue les fils. Je tisse, je carde jusqu'à ce que le vent ne nous emporte. Je chavire. Elle danse. Son sexe a la couleur de mon plaisir, la flaveur aussi. Il m'éclaire. Jouir. L'intensité de notre désir perdure au-delà de la photo souvenir. Jouir, encore, c'est cela, jouir ! Cela se ressent à la vie, à l'amour. Cela, et tout le reste.
    Jouir ? Mais quelle est cette fièvre qui soudain se fait rage, cette passion qui vire à la tempête ? Que veut-elle à présent ? Pourquoi faut-il qu'il soit question de trahison, de jalousie, même ? Les maux brouillent l'azur. Je sors mon mouchoir. Mais que se passe-t-il ? Le rêve serait-il fini ? On s'est rencontrées, effleurées, aimées, éclatées et voilà qu'elle me propose de dormir alors que l'on a à peine partagé le gâteau que j'avais apporté.
    Dormir ? À la réflexion, c'est toujours mieux que d'enfiler des perles.




    * Geneviève Pastre, Une femme en apesanteur, Balland, 2002.
    ** Commentaire de Patricia de Cineffable dans la sélection qu'elle a faite des phrases de Geneviève Pastre qui allaient servir d'incipit à la performance du 31 octobre 2013.