La cerise sur le gâteau   


  
Entortillée dans son drap, Geneviève sortit brutalement de sa nuit. Etre réveillée par l’intensité d’un éclair de lumière dans les yeux la mit en rage contre les filles d’en face. Elle avait passé sa soirée à les regarder danser, le doigt sur le déclencheur de son appareil photo, sa passion. Elle aurait mieux fait de lire le livre que sa copine Véro lui avait prêté, Le Rire de l’Escargot. Une histoire de goudous, de Déesse, de fées dans la forêt. Elle n’était qu’une butch solitaire, au coeur meurtri, trop tendre avec les femmes. La tendresse, tu parles… Elle se souvint qu’après avoir vidé la bouteille et qu’Aimée & Jaguar – ses voisines – eurent tiré les rideaux, elle avait chaviré sur son lit et sombré en pensant « le petit oiseau va sortir ». Chute du corps, perte de conscience, le néant, fin de tous ses maux.

Elle risqua un oeil par la jalousie. Quoi ? Elle sortit un mouchoir de son pyjama et épongea la perle de sueur à sa lèvre. Nom d’une embobinette ! C’est le drapeau arc-en-ciel qu’elle voit accroché en face ! C’était bien la peine de faire tant de mystère. La trahison du secret – d’accord c’était le leur avant d’être le sien – souleva une tempête dans son coeur. Elle qui pensait qu’elles s’étaient reconnues, voilà qu’elles le criaient sur les toits ! Sûrement elles dormaient encore après une nuit de fièvre à miauler ensemble, elle en mettrait sa main à couper. Non, à la réflexion il vaudrait mieux trouver autre chose...

Elle se doucha, lissa un accroche-coeur irrésistible, se versa un café bien serré, indispensable pour retrouver la mémoire. Elle ne se rappelait plus ce qu’elle avait vu : une chevelure, une peau nue, deux filles à la chair de velours en train de… Et merde ! Elle avait besoin de se détendre. Elle effleura la statue d’obsidienne sur la commode et sortit. La porte résista. Elle vit sur le paillasson un carton plié sur lequel elle lut : « Marre que tu nous mates, rencontrons-nous. Rendez-vous au Fil à Filles à une heure ».

Geneviève rougit comme cela ne lui était plus arrivé depuis l’adolescence. Et bien au moins avec elles, pas de détours, pas la peine de lesbonophiler pendant des heures ! Enfin une bonne étoile éclairait sa journée ! Pour aimer, suffirait-il de le vouloir ? Elle fila comme le vent jusqu’au café, se faufila entre les tables lorsqu’elle aperçut Aimée arborant un ravissant pull en caressefil couleur cerise, en train de dévorer un gâteau. Elle s’enhardit :

    — Tu es seule ?
    — Oui. Je t’explique : ma copine et moi, on a le même rêve. On a joué. Elle a perdu. Et j’ai gagné ...
    — ... ?
    — Tu ne devines pas ? Elle éclate de rire. Geneviève ne se laisse pas intimider.
    — Moi ?
    — Oui toi !
    — Quoi moi ?
    — Faire l’amour avec toi. Je t’ai vue nous observer par la fenêtre. Comme on n’arrivait pas à se décider, on a tiré au sort...
    — Vachement sympa ! Révoltée, Geneviève devient toute rouge.
    — Mais non, je te taquine. Ne sois pas fâchée. Tu as l’air troublée... c’est une blague je te dis ! Une blague ! Pas du meilleur goût, je te l’accorde. Euh ... En fait, ce n’est pas ça du tout.
    — Ah bon. Et c’est quoi ?
    — Et bien... J’habite l’appart de ma grande soeur qui vient une fois par semaine voir son fils en pension. Hier soir on s’est méchamment crêpé le chignon. Elle n’est pas vraiment d’accord avec ma vie tu vois, pas la peine de te faire un dessin. Pour me venger ce matin j’ai mis le drapeau, dans huit jours c’est la Marche des Fiertés. Elle m’a tellement énervée que ça ne m’a pas suffit, il a fallu que je fasse un truc vraiment dingue... je t’ai mis le mot. Elle regarde Geneviève avec douceur ... Celle-ci sent ses mains et sa poitrine envahies de moiteur. Tu me plais tellement... mais je ne savais pas ce que tu ressentais.
Geneviève ne résista pas :
    — Je te trouve très belle. Elle frôla le bras d’Aimée qui lui donna sa main.
Aimée la regarda dans les yeux :
    — On ne va pas se peloter ici...
Elle se leva. Geneviève suivit la vénus callipyge.

A peine entrées, Aimée enlace Geneviève avec sensualité. Reflétée par les miroirs, Geneviève remarque dans une armoire vitrée une collection de roches, dont un beau schiste au mica brillant. Elle accroche son blouson au portemanteau à côté d’une toque à aigrette bleu azur. Sans plus attendre Aimée conduit Geneviève directement au lit, recouvert d’une fausse fourrure.

La fièvre retombée, elles dorment en cuiller, partageant la plénitude de leur bonheur tout neuf. Geneviève est encore étourdie par l’érotisme de leur rencontre. Jamais elle n’avait fais jouir une femme à ce point. Jamais elle n’avait entendu le clapotis produit par sa pénétration puissante. Elle porta ses doigts enduits de cyprine à son nez, réalisant leur mutuelle folie. La censure inconsciente de sa pudeur l’empêche de dire les mots qui la brûlent. Pourvu que cela dure, se dit-elle, perdure, si ça existe. Sa chance avait enfin tourné. Elle qui était abonnée à la zemblanité la plus crasse, la voilà promue Reine de la sérenpidité. Un sourire éclaire son visage. La vie est belle.

Catherine Péanne
  


  
  



  
Geneviève, une vieille Butch emportée par une crise de zemblanité, m’a parlé d’un endroit plein de mystère situé en lisière d’une forêt de- chênes : L’étang des mottes.

Ce soir, je décide d’arrêter là le fil de ma vie. Après des tours et des détours et seulement guidée par le clapotis de l’eau, mon solex me conduit devant une maison qui m’attire irrésistiblement … Par chance, c’est la nuit des étoiles filantes. Je me faufile à travers le jardin et je me cache derrière une callipyge en obsidienne aux oreilles ornées de cerises noires. C’est là que je la découvre ! Une femme danse seule dans la moiteur de la nuit. Son corps généreux recouvert d’un drap de soie couleur azur transpire la sensualité. .. Elle me fait chavirer, mon doigt rencontre mon doux velours, la cyprine perle déjà … je perds toute notion de temps et d’espace ,je m’enhardis à marcher vers elle, armée d’un sourire enjôleur et de mille espérances : je la veux , une heure , une nuit , toute une vie et même au-delà ...

Je la rencontre et je suis accueillie ...sans chichi ni sérendipité ...comme si nous nous reconnaissions. Le jeu de l’embobinette est –il possible ?

Je rentre dans sa maison, je suis intimidée, je rougis ... je fais diversion, je brouille les cartes, je me sens bête devant ses magnifiques yeux en amande qui me dévisagent avec intensité ...

Alors , je fais n’importe quoi pour ne pas la dévorer toute crue, là , tout de suite : je mange un gâteau qui traine sur le guéridon , je regarde des photos anciennes dévoilant un homme en costume militaire arborant un drapeau tricolore, des petites filles aux regards mélancoliques et aux doux accroche- coeurs agitant des mouchoirs devant un train qui s’éloigne et un fils à papa en culotte de golfeur saisi devant une décapotable ...

Je ne résiste plus, je ne veux pas me censurer ...j’entreprends de la lesbonophiler ... elle n’a pas l’air farouche ...

Dans ma précipitation, je fais tomber un bibelot, une aigrette en schiste je crois ... à moins que cela ne soit un autre oiseau ... je ne sais plus ...cela n’est pas l’essentiel ...

Pour ne pas la faire fuir, je m’inspire d’une scène d’ « Aimée et Jaguar » et j’entreprends un délicat caressefil de sa chevelure. J’entortille ses fils d’argent…elle se trouble, elle se détend, elle soupire ... je sais que je peux l’aimer car l’accroche est devenue une certitude.

Une lumière tamisée éclaire son corps imparfait mais si beau car il reflète la mémoire de sa vie. Malgré la fièvre qui m’habite, je prends mon temps, je veux que mes mains effacent tous les maux de son passé que je devine douloureux Trahison ... jalousie, peut-être les deux ?

Je l’enlace avec tendresse, je taquine la pointe de ses seins avec une infinie douceur, elle ne se révolte pas ...

Je vais plus loin, je pelote et malaxe la chair de son ventre et de ses fesses avec rage, effleurant très délicatement sa fourrure au doux parfum de sous-bois. En un éclair, elle se redresse et veut donner aussi : elle frôle ma peau, puis s’enhardit, me déshabille, me caresse avec passion et nous nous emboîtons. Nos corps enlacés tanguent et chavirent comme un bateau dans la tempête. Nous miaulons et sans nous concerter, nous jouissons ensemble dans une plénitude encore inégalée.

Elle dort maintenant, lovée contre mon corps repu… pour l’instant ...

Encore toute alanguie, je laisse éclater ma joie intérieure. Je réalise mon rêve le plus fou, j’écris le plus beau chapitre du livre de ma vie. Que ce moment de passion intense que nous avons partagé soit le miroir aux alouettes ou perdure à l’infini, je ressens un Amour absolu pour Toi ...

Ce texte a été écrit pour Toi en souvenir de Nous ! Garde le toujours et n’oublie jamais que je t‘ai profondément aimé.

Ta Nouchka
  


  
  


  
C’était l’été 1999, je devais passer le we seule au bord de l’eau, dans un chalet familial. J’adorais cet endroit reculé et sauvage en pleine campagne, les clapotis des oiseaux de proie me rassuraient. Cependant mon père m’avait conseillé d’emmener Vanessa avec moi. J’avais d’abord hésité, j’aimais Vanessa, vraiment, d’un amour sincère et profond, et la voir me remplissait d’effroi et de passion. Comment lui faire comprendre mes sentiments sans lui faire peur ? J’avais emmené le film Aimée et jaguar avec moi avec la ferme intention de lui révéler mon identité véritable.

Elle dansait devant mes yeux, deux accroche-coeur s’envolaient de sa longue chevelure auburn. Sa joie me faisait chavirer, elle éclairait son visage et me remplissait de fièvre. Sur la route, je l’observais à la sauvette et réalisait alors comment un rêve pouvait devenir réalité. Nous avions la rage de vivre. Une vague de liberté nous submergeait à chaque virage. Même le train filant tout près de nous, semblait nous faire de l’oeil en passant. Elle me taquinait sans cesse, me regardant avec son sourire moqueur. Sans pouvoir m’arrêter, elle me donnait envie de faire des détours pour prolonger notre voyage.

Après une heure de route, nous avions stoppé la jeep devant une petite épicerie. Nous avions eu envie de gâteaux et de cerises. Là, dans un coin sombre nos yeux s’étaient arrêtés devant un étrange spectacle. Sans aucun complexe, un couple se pelotait et s’embrassait à se dévorer. Je lui désignais du doigt un autre endroit venant de reconnaître un couple lesbien entre une butch et sa compagne. Mais loin d’être troublée, Vanessa les regardait avec tendresse. Nos bras se frôlèrent et Vanessa plongea son regard dans le mien avec une intensité nouvelle. Je me sentis rougir. Les rencontrer avait eu sur nous un impact décisif. Une des deux s’appelaient Geneviève, je n’ai jamais pu oublier ce prénom. Sous un sourire éclatant Vanessa me parla de lesbonophiler, elle adorait inventer des mots en savourant des moments particuliers, comme celui-ci. Pour moi c'était plutôt sérendipiter , une découverte par hasard.

Nous avions repris la route, bientôt un chemin laissa deviner au loin l’étendue d’eau. Le chalet et sa terrasse étaient toujours là, magiques dans leur simplicité et si romantiques pour un rendez-vous amoureux. Dans un élan je lui prenais la main pour l’emmener voir toutes ces perles de lumière, reflets magnifiques au fil de l’eau. Au loin les Aigrettes fidèles, scrutaient les fonds à la recherche de petits poissons. J’avais emmené mon appareil photo, les traces de schiste dans la roche autour du lac n’était que pure diversion, mon sujet principal c’était elle, la callipyge fière à la sensualité exaltée. Lorsque la lumière du jour s’estompe peu à peu, pour laisser place aux couleurs automnales sur ses cheveux en cascade. Je mesurais ma chance d’être là, avec elle en ce lieu. L’azur de ses yeux pétillant de bonheur créait la tempête en moi lorsqu’ils se posaient sur mon visage. Je ne souhaitais aucune censure et voulu son regard éternel, comme une accroche, une bouée de douceur. Se pouvait-elle ressentir pareil émois ? J’étais intimidée, elle l’était aussi. Il n’y avait pas d’embobinette, de jeux, ni même de maux, tout respirait le réel, comme ces fils et filles courant sous le vent, un soir d’été.

Nous étions seules, elle et moi, assises sur un des bancs de la terrasse, tout près l’une de l’autre, son corps détendu, sa tête reposant sur mes épaules. Je décidais de l’enlacer dans une fourrure car l’humidité du soir tombait et avec elle le mystère de la nuit. Dans un état de tumulte, j’avais entortillé mes doigts dans le plaid sans le vouloir, et j’effleurais doucement sa peau. Je la sentis tressaillir. J’aurais tout donné pour arrêter le temps, garder la mémoire de ces instants de plénitude, partager la moiteur de sa chaleur contre ma chair, miauler sous les étoiles et la lune pour crier mon bonheur toujours et encore. Sous mes caressefils, j’en perdis la tête et elle son mouchoir. Je m’empressais de le lui ramasser mais en me relevant devant elle, ses lèvres s’entrouvrir légèrement en effleurant les miennes. Mon coeur allait éclater. Je ne résistais plus, et l’embrassais d’une infinie douceur. Nous nous étions enhardies, on s’était reconnue.

Sous un éclair de chaleur, je pensais pouvoir faire preuve de jalousie, de révolte si jamais il y avait trahison de sa part, car j’étais éperdue d’amour, mais je ne voulais pas penser à ces zemblanités et vivre l’instant présent si merveilleux. Je la désirais ardemment et pensais à caresser son mini velours, dormir auprès d’elle, emboitées comme un jeu de miroirs, elle en moi et moi en elle. Déjà, elle se faufilait dans la maison sous les draps en lisant dans mes pensées comme un livre ouvert, pour jouir de notre intimité. Elle était devenue mon joyaux, mon obsidienne, ma vie. Depuis le drapeau arc en ciel claque au vent avec peut-être un petit goût de cyprine. Et notre amour perdure toujours.

Cathy
  


  
  


   Sous la dent   


  
Regardez à quoi ça tient ; rencontrer sa perle.
Une de ces filles de lumière qui vous entortille le regard, qui vous donne soif.
Une aigrette souple et colorée qui vous frôle de sa chevelure et vous tempête le corps.

Dans ce train azur Geneviève résiste à l’envie de dormir.
D’ici quelques heures elle va présenter son livre à ses pairs. Un mémoire détaillé sur l’origine géologique des minéraux.
L’obsidienne, troublante fille des volcans. Le schiste précieux et pourtant si fragile.
Les cailloux c’est sa passion, elle leur a consacré sa vie. Elle jouit d’une bonne réputation dans le métier. Ce bouquin c’est la fin de tous ses maux, du gâteau pour son compte en banque, de quoi perdurer et peut être même...

— Puis-je ?

La voix velours s’échappe d’un bouquet de fourrure, répandant de capiteuses effluves à l’entrée du compartiment.
Se sentant confusément rougir, notre éminente géologue ne peut qu’acquiescer d’un vague signe de la main.

Planquée derrière sa tablette et divers journaux, elle s’enhardit à détailler l’oiseau délicat qui s’est posé en face d’elle.

A la faveur du soir les vitres deviennent ses complices et se transforment en miroirs. Elle a une vision en champ-contrechamp de son objet d’étude.

Il y a de l’Aimée et Jaguar dans l’allure, dans cet accroche-coeur qu’elle aperçoit sous le drap fin d’une étole. Aucun fil ne dévoile la chair. Elle devine la caresse d’un chemisier de soie.

Elle amorce alors un lent travelling sur la silhouette souple de sa voisine. Seules des expirations tranquilles en animent le buste. Un doigt parfois à l’accroche d’une page, tandis que les autres titillent un mouchoir.

Sa pellicule sensible éclaire maintenant le méandre émouvant des lèvres ; berges accueillantes.

C’est à ce moment que la liseuse décroise les jambes dévoilant un mollet nerveux, galbé de cuir fauve.

La gorge sèche, la scientifique réalise soudain la moiteur de la cabine.

Elle se trouble et ressent même un peu de fièvre.

Le mystère de cette femme, la sensualité de son parfum, l’intensité qu’elle dégage la font pendiller comme un drapeau.

Un instant elle est tentée de se faufiler dehors. S’extraire de cette fantaisie muette, fuir l’ensorcelante projection.

Dérisoire révolte contre ce qui semble bien être un cas typique de sérendipité. Elle ne l’a pas cherché son étoile mais c’est une chance folle de l’avoir là, à portée de regard.

Sur sa rétine la photo de sa vénus est imprimée. Geneviève ferme les yeux.

Caressefilée par le clapotis de son rêve, elle se laisse chavirer avec douceur et aborde sans se censurer des terres de plénitude et de tendresse.

Le vent grivois de ses pensées dévêtit sans détours la Belle.

Méthodique, elle en répertorie les paysages, trace la carte des dunes, classifie les mamelons. La mignonne est callipyge sans aucun doute.

De ses mains la voilà maintenant qui effleure les seins.

S’emboitent-ils bien dans ses paumes déjà fébriles ? Pas un brin intimidée cette fois, elle entreprend d’en taquiner les tétons.

Lascivement, elle se partage entre l’envie de dévorer cette peau ineffable et la douce rage de peloter ce corps qui décidemment ne la veut pas sage.

Elle l’a baptisée Cerise.

Pour sa forme, pour la couleur et surtout pour son croquant sous la dent.

Ho ! Elle en miaulerait de gourmandise !

Prise au piège de la tourmente voluptueuse qu’elle se donne, Geneviève dilate et tresse entre eux les fils jumeaux du désir et du plaisir.

Poursuivant sa quête lesbonophile, l’érudite sans trahison de ses procédés expérimentaux enlace son amante chimérique.

Pas de jalousie dans cette embobinette sensuelle. La butch et la femme ne bataillent pas en elle. Elles ne sont pas assez nombreuses pour aimer comme il se doit. Pour lutiner et éperonner les sens de l’exquise complice, lui en arracher secousses et ravissement.

Les peaux enfin se reconnaissent, se magnétisent. Puis elles dansent une sarabande rugueuse et intense. « Mère des jeux latins et des voluptés grecques », les épidermes comme deux silex s’agacent et se frottent. Baudelaire avait raison.

Comme un éclair, le train pénètre la nuit.

L’étincelle soudain.

Le ciel se déploie, l’espace se détend. Geneviève prend son envol.

Elle laisse éclater la tourmente. Ballotée dans les rouleaux de ses sensations, elle boit à toutes sources, se noie dans toutes les vagues. Longtemps elle s’alanguit dans les limbes.

Puis, imperceptiblement elle revient à la vie.

L’humidité inconfortable qu’à dessiné l’onde délicieuse de la cyprine entre ses cuisses restera le maigre tribut concédé à la zemblanité de cette étreinte magnétique.

La cabine comme une alcôve est à peine éclairée par un halo discontinu. Dehors, les terres griffées par la rame imperturbable, ouatent de bleu nuit les songes des voyageuses.

Elle a soif décidemment.

Dans la pénombre elle distingue peu à peu l’occupante de la banquette en vis-à-vis. Elle n’a pas bougé. Les yeux grands ouverts dans l’obscurité elle adresse à notre jouisseuse un sourire espiègle.

— Et si nous prenions une coupe de champagne avant ?

Laure de Sel
  


  
  


  
Qui tambourine à la porte avec autant intensité ?
— Gendarmerie Nationale, ouvrez.
Un regard circulaire, mon réveil indique à peine 5 heures.
— Nous savons que vous êtes là.
Traverser le salon, entrebâiller la porte
Face à moi dans la lumière, deux uniformes, une Butch à la chevelure rase et au corps musclé, un petit homme, képi vissé , peau pâle, un mouchoir à la main pour essuyer la perle de sueurs qui glisse de son front régulièrement.
— Gendarmes Geneviève et L’oiseau. Veuillez prendre vos affaires et nous suivre.
— Serait ce de votre bon vouloir de me dire pourquoi ?
— Suivez nous simplement.
C’est bien ma chance. Faire un si grand mystère au coeur de la nuit. Me voyant intimider et sans doute pour me détendre, la gendarme ajoute dans un sourire.
— Nous allons vous montrer des photos et faire appel à votre mémoire.
Au son de sa voix, je lève les yeux. Elle remonte d’un doigt son calot, je peux apercevoir la couleur de son regard. Un bleu azur me fixe, je frissonne.
En d’autres circonstances, j’aurai pu chavirer. Mais il me fallait me censurer.
Cela n’était pas du tout au programme de cette femme callipyge, dommage !
— Dépêchez vous un peu, que j’ai de la fièvre.
— Je ne suis pas responsable de vos maux, dis je entre mes dents au brigadier mal en point, tout en filant dans la chambre.
Machinalement, je redressais mon drap et ramassais le livre d’ « Aimée et Jaguar » qui traînait près de l'oreiller.
J’aime la plénitude du lieu de mes nuits. J’y ai connu la douceur d’aimer et celle d’effleurer la chair de filles, aux formes fines comme des aigrettes. J’ai su m’y donner et y jouir.
Mes murs sont les témoins muets, de scène de jalousie et de trahison. Des moments d’infini tendresse sont gravés sur le relief du papier. Tout ici accroche, je me laisse dévorer par ce flot de pensées.
— On se dépêche un peu.
— Oui, ça va ! Dis je du ton de révolte de celle qui n’a pas assez dormi.
J’éclaire enfin, enfilant jean et tee shirt. Un oeil sur mon triptyque de miroirs, afin de lisser mes accroches coeur. Ma veste en velours sous le bras, je suis prête.
Mes deux perturbateurs de sommeil n’ont pas bougé.
La porte claque, la descente d’escalier est rapide. Au palier, j’entends la petite chatte du voisin miauler, elle attend sûrement sa soucoupe de lait.
Voilà, la rue, la moiteur de cette nuit d’été se fait ressentir. Un éclair au loin zèbre le ciel, signe d’orage qui n’a pas perduré.
La gendarmerie n’est pas très loin, On tourne le coin vers la gare, ou quelques trains sont à quai attendant leur cargaison humaine. Puis sans détours, on passe la pâtisserie ou je viens dévorer de temps à autres un petit gâteau aux cerises dont le patron à le secret. On aperçoit déjà le drapeau tricolore.
L’atmosphère de l’endroit a de quoi troubler, Une femme en manteau de fourrure attend calée contre le mur d’un long couloir. La porte d’un bureau est ouverte, ma gendarme m’invite à entrer, je me faufile, elle referme derrière nous.
— asseyez vous.
A peine posée, la voilà qui entame sa litanie
— nom, prénom
Je réponds, machinalement, ne voulant pas me laisser intimider.
Dans un coin de la pièce, sur un classeur de bois, un morceau de schiste sert de presse papier.
— adresse
Je me berce de l’interrogatoire, les yeux mi clos, me rendant soudain compte de la sensualité de la voix de ma questionneuse. Il ne m’en faut guère plus pour lesbonophiler. Je rêve soudain de me faire peloter avec passion par cette femme en uniforme. Une tempête m’envahit, la rage d’être là.
Pour ne pas m’enhardir d’avantage, je décide de fixer mon attention sur l’obsidienne qu’elle porte au cou.
— vous étiez bien chez Madame Delphine hier ?
— Oui, j’y étais. J’avais envie de m’éclater et c’était l’occasion de danser. Mais personne n’est venu. Je me suis retrouvée dans le salon à contempler un tableau, au titre d’embobinette, ou l’on voit des caressefil, un dé, quelques aiguilles et du fil. Vraiment pas un chef d’oeuvre !
— Son fils nous a dit l’avoir retrouvé sans vie après votre départ.
Je venais de réaliser. On voulait me reconnaître coupable. Sérendipité quand tu nous tiens.
— Lorsque je suis partie, elle était bien vivante !
Je n’osais plus regarder mon interlocutrice, ne pas rencontrer ses yeux, par peur de rougir, de paraître coupable.
— chef!!!
Une tête passe l’encadrement.
— Pour la morte, le fils a tout avoué, il est dans nos bureaux, le commandant reprend l’enquête.
Merci mon dieu et la zemblanité. Pensais je
Ma gendarme d’un coup détendue
— Je ne vous taquine plus. Vous pouvez partir.
Puis
— Cela vous dirait de partager un café.
Comment lui résister ?
Cette soirée avait fait naître en moi des envies de la frôler, de l’enlacer, d’entortiller ma langue à la sienne.
Je ne désirais plus qu’une chose maintenant savoir si nos désirs s’emboîter et si l’odeur de sa cyprine était à même de réveiller tous mes fantasmes.
Dehors, un petit vent, quelques étoiles, le clapotis des flaques. Je la suivais déjà.

La Crapule
  


  
  


  
« Bonjour les enfants, je suis Geneviève, votre animatrice et voici le Père Duré. Si on est réuni au patronage aujourd’hui, c’est parce que météo France a lancé un avis de tempête d’une rare intensité, avec des éclairs en nombre et du vent. Du coup, la sortie organisée par fils et filles de France, au parc des oiseaux, pour voir la parade nuptiale des aigrettes est annulée.
Je vois dans vos yeux, un air de révolte. Mais pas la peine d’avoir la rage, nous allons tout de même partager un bon moment. Le père et moi avons prévu de vous faire jouer et danser, On fera aussi un goûter, vous pourrez dévorer une montagne de gâteaux et boire tout plein de jus de fruits, orange, passion, pomme et j’en passe.
Alors, c’est parti, haut les mains !
Pour commencer, le club du 3 ème âge, nous a gentiment prêté leurs scrabbles. »
« Ouiii, le doigt levé ! Nonnn, ils n’ont pas de trivial poursuit junior. »
« Pour ceux qui ont des doutes avec la règle, elle se trouve sur le livre dans la boite. On n’a pas eu de chance avec le temps mais là, on va se détendre.
Qui veut bien éclairer ?
Bono, oui si tu veux. Nonn, toi tu laisses Bono filer.
On me fait des groupes de 4 et on s’enhardit un peu, les enfants allez allez. »
Dire que je vais encore rentrer à la nuit, avec de la fièvre et des maux de tête. J’leur avais pourtant bien dit « ne me donnez pas les gosses ». Et le père qui n’arrête pas de me siffler le temps des cerises dans les oreilles. Bon, allez Geneviève, c’est pas un rêve, lumière, sourire, et c’est parti pour le tour des tables. Je vais regarder ce que mes apprentis joueurs, ont bien pu écrire.
« Oui, alors les lettres, il faut qu’elles s’emboîtent, parce que les mettre toute à ligne comme ça, ça casse un peu le sens du jeu. »
« Quoi tu n’aimes pas, quoi tu préfères le trivial. Non, je ne te mets pas au train pour que tu retournes chez tes parents. »
Je ne sais pas si je vais résister longtemps moi.
« Bon alors tu as écrit quoi là, zembla ? Ah oui, du verbe zembler, c’est ça, il me zembla. Ok j’ai compris, le môme est enrhumé, il lui zemble donc que ça z’écrit cobbe ça.
A la verticale après zembla, nité ou peut être nite ? Non, c’est bien nité, car tu bois ni café, ni thé. »
Faut vraiment le vouloir pour être animateur avec des ados, je sens que je vais bien dormir ce soir, entortiller dans mes draps.
« On continue, donc maintenant on a Séren, alors ça s’écrit juste serrant. Non ne pleure pas. Passe lui donc ton mouchoir toi. Donc horizontal compte double séren, dipité, verticale avec le e normal. Dépité peut être, comme moi !
AH bin non, pas dépité mais dipité, sa maman elle dit toujours « Li Marine Li Pine, elle y dipité Europienne , ça craint »
Faut que je change de décors vite, de petites ricaneuses qui s’entortillent des fils de couleur dans la chevelure. De mémoire, ça devrait être mieux.
« Vous faites des tresses ? »
« pffff, c’est des embobinettes avec des caressefil , t’est comme Calie toi, tu comprends jamais rien, Calie pige quedal Calie pige quedal ! »
Je préfère me censurer. Ahumm, zen, ressentir de la plénitude, vite.
« Bon et donc, vous avez écrit quoi d’intéressant. Cyprine, Jouir, peloter. Y a pas fesses, bite ? Non, vous n’aviez pas les lettres, bien sur, suis-je bête. »
Table suivante, Geneviève. Je réalise que je n’ai peut être pas vu le pire.
« Un azur, sur le triple, une jalousie compte double, une trahison bien placée. Une tendresse verticale qui croise un mystère horizontale, une étoile qui fait des détours par des miroirs au points doublés»
Y a pas photo, je viens de rencontrer le coin des perles rares.
« Super gamin, c’est tes accroche coeur qui te donne tant de jolis mots »
« j’suis pas un gamin, j’suis une butch, pi ici j’méclate pas, j’ai pas d’accroche , même pas avec Aimée et Jaguar . En plus, j’aime pas la douceur, si y en a qui m’frole, j’vais les faire miauler. J’me laisse pas intimider, t’sais. J’finirai sous les drapeaux moi.»
Erreur de casting. Elle file la chair de poule. Je vais conseiller les autres de ne pas l’effleurer.
Qu’est ce qu’il fait chaud dans cette salle, une moiteur insupportable avec tous ces gosses. J’ai la peau des joues qui va finir par rougir. J’ai le corps qui sue, les cuisses en feu dans mon pantalon de velours. Je vais finir par chavirer, si je pouvais me faufiler dans un trou de souris, Allez, Geneviève, on ne se laisse pas troubler. 1 heures à tenir encore.
« C’est quoi ce clapotis ? Arrêtez de patauger dans cette flaque. Qui a renversé de l’eau ? Je demande au coupable de se reconnaître. »
« Oui, Grégoire tu as enlacé la bouteille et elle a chu. Tu donnais un cours de sensualité. Ok, mais maintenant, il faut éponger, c’est la vie. »
« Bon, cessez de taquiner votre camarade, si il préfère ramasser avec ce morceau de fourrure, plutôt qu’avec une serpillière. »

Plus que 5 minutes en enfer,

Ce week-end, Je pars en voyage avec des centenaires. Un salon sur les pierres tombales. Schiste et obsidienne. J’arrive.

La Crapule
  


  
  


   PAS D'AGE POUR 100 MOTS   


  
Accroche-cœur / Accroche corps
Aimer c'est aimer le corps et le cœur.
Je ne peux censurer l'un ou l'autre.
Comment choisir entre l'azur et la cerise ?
La cerise m'offre sa chair, l'azur me fait chavirer, quand j'ai de la chance !
Vouloir choisir entre sérendipité ou zemblanité serait déplacé, comme dirait mon fils !

A ELLE
Je rêve au clapotis d'une eau pure qui m'aide à me détendre quand je rencontre les détours de ta fourrure de velours.
Dormir avec douceur dans le drap qui a gardé la mémoire de la tempête et danser dans ta chevelure couleur de schiste.
Laisse moi éclairer le fil de lumière qui mène à ta perle de rêve.
Laisse moi effleurer et frôler ton aigrette afin d'intimider la rage de ma jalousie.
Laisse moi entortiller avec intensité ma main dans la moiteur de ton corps.
Je deviens un oiseau géant qui tenterait de goûter aux miettes de ton gâteau.
Apporte les miroirs que je nous vois rougir !
Trahison de mes sens, dévorer ta peau, peloter ton mystère d'un doigt qui ne demande qu'à donner.
Tes cuisses sont ouvertes comme un livre, nous devenons Aimée & Jaguar.
Réaliser la photo de ta plénitude, te regarder résister telle une callipyge, m'encourage à taquiner le caressefil de ton pubis.
Enrouler l'embobinette cachée, puis, boire la cyprine qui jaillit de ton obsidienne telle la lave d'un volcan, enfin, explorer tes profondeurs ne peuvent que troubler mes sens, c'est peut-être çà, lesbonophiler!

A ELLES
Le vent gonfle le drapeau dédié aux filles qui partagent leur passion d'une nuit.
En un éclair, Geneviève ou Bénédicte, vous pouvez faire briller cette étoile qui donne la fièvre, pour jouir, miauler et, enfin, éclater pour vous enlacer.

Une butch qui sort son mouchoir pour partager ses maux d'amour me donne envie de perdurer dans cette vie, surtout quand, elle retrouve son sourire et sa tendresse.
La rencontrer vraiment pour ressentir sa révolte, la faire basculer dans la sensualité.
S'emboîter yeux dans les yeux, s'enhardir, quelque part se reconnaître et savoir se faufiler pour attraper le dernier train et partir...


Catherine REBY
Le 29 août 2014
  


  
  


   Insomnie   


  
Mes yeux frôlent une chevelure qui ruisselle sur mon épaule. Est-ce cette subtile caressefil qui m’a émergée de mon rêve pour me faire chavirer dans un autre, plus réel ? Fièrement entortillé, un accroche-coeur fait battre le mien plus fort.

D’un doigt, j’effleure un éclat de chair. Ma main résiste à l’envie de s’enhardir.
Egoïstement, je jouis de cette sensualité non partagée. Le corps dort sous un doux schiste de draps et de couettes. Un sourire étire mes lèvres que j’intime de rester sages alors que déjà la douceur de sa peau me revient en bouche. Délicieux !

Mon coeur danse comme un fou suivant le rythme de ma respiration. En miaulant de désir, je me convaincs que je dois l’abandonner à son sommeil réparateur. Sans troubler son adorable petit ronflement, je me faufile hors du lit, hors de la chambre.
Dans la descente d’escaliers, je marque un temps d’arrêt devant une photo singulière : la révolte d’un drapeau rainbow qui lutte dans un ciel à l’azur voilé par un vent en rage et désespoir.

Ici, la lune callipyge filtre à travers de lourds nuages alors que de rares étoiles, sorte de perles en obsidienne, se frayent un chemin dans la nuit.

Au loin, le ronronnement d’un train… Tous mes sens en éveil, je n’aspire qu’à m’imprégner de l’atmosphère de son intimité.

La chaude lumière d’une bougie taquine l’obscurité.

Je pioche pieusement dans sa large collection de cd, avant de me laisser tomber sur le vieux canapé de velours couleur bleu cyprine -une pièce vintage unique !- où je pouvais me détendre, où je me sentais bien… juste bien.

Butch Walker entame Maybe it’s just me :

Moi ?!

Quelle trahison faite à l’école Ste Geneviève où l’on m’avait assommée de moral et de cantiques ! De quels maux souffrais-je donc pour succomber à la fièvre de ce genre de passion ?

Petite embobinette de la vie !

De mémoire, je crois avoir fait cette découverte au fil des pages d’un livre très imagé et non censuré… Des filles… Des femmes… pâles copies d’Aimée et Jaguar, qui étaient partagées entre la tendresse et la jalousie, entre la cerise et le gâteau… Peu importe ! Elles pelotaient ou dévoraient avec une intensité que je croyais toute romanesque et finissaient forcément le nez dans la moiteur d’un mouchoir !
Lesbonophiler ou les mystères de la plénitude !

Les fils de mes pensées revinrent avec émotion à la tempête qui s’était déchainée quelques heures plus tôt. Vite, trop vite, tout avait été emporté, transporté… au-delà de tous mes espoirs et certitudes.

Pourtant, c’est si simple : se rencontrer, se reconnaître, aimer !

Aussi perdue qu’une aigrette tombée du nid, elle était venue à moi. Le petit oiseau me donnait l’impression de vouloir maladroitement transformer ses plumes en fourrure, juste pour me séduire. Je crois que je l’intimidais. Je savais que je lui plaisais. Effet miroirs ou non, j’étais sous le charme ! Un rire troublé avait éclaté dans ma tête. Un sourire avait éclairé ses yeux. Quelle approche, quelle accroche !

Un éclair de sérendipité ou de zemblanité, ...je n’ai jamais bien su lequel c’était, en fait…- me foudroya ! Mon ange ! Oui, c’était ma chérie... mon ange ! Les mots me vinrent tout naturellement. C’était si étrange, si nouveau.

Toutes ces sensations, ces sentiments s’emboitaient si aisément qu’ils ne pouvaient qu’être réels et perdurer ! Je ne me savais pas si optimiste, ni si romantique !

Le clapotis des toilettes me fit un instant craindre et espérer son réveil...

Le coeur aux aguets, je ressentis sa présence.

Inexplicablement, je rougis.

Incapable de ne pas la regarder,

Incapable de ne pas réaliser ma chance.

Sans détours, sans contours, je l’enlaçais silencieusement.

Maybe it’s just you !

Céline Jacquier
  


  
  


  
Epinglée sous le drapeau de l’institution professorale, elle s’emboîte dans les sourires des autres, enfermée dans ce train où elle ne se reconnaît dorénavant plus à travers l’image des miroirs que renvoient d’elle ses collègues. Soirée toasts et gâteaux. Avant, elle venait là avec son mari, ses enfants...
Puis il y eut ce jour-perle pour une prof de physique, celui d’une expérience d’intensité rare de sérendipité. Une photo surgie des réseaux, inscrite sur son écran et dans sa mémoire : cette chevelure, ce corps callipyge en cuir noir, sourire conquérant sur cette moto aux jantes cerises qui semblaient dire « Butch, oui, mais fille ! ». Elle a chaviré : on ne se remet jamais d’une telle tempête. L’inattendu d’une telle passion, révolte enfin criée, la force et le danger du schiste. De si loin, du si profond de sa chair, à en souffrir, s’en faire dévorer, ne plus jamais dormir. Plus jamais la même.
Et ce soir, comme avalés sous un drap : ceux d’avant. Ils miaulent à ses oreilles, elle n’entend plus. Elle est perdue dans la solitude de cet autre monde qu’ils ne lui reconnaissent pas : elle s’est censurée, n’a rien dit...
Elle n’a plus sa place, hésite à fuir quand .. une lumière. La seule qui éclaire cette ex-collègue. Trop grande différence d’âges ? Ne se sont jamais fréquentées. Elle n’a jamais caché son attirance pour les filles. Acceptée. Et ce soir, cette femme est la seule qui à ses yeux a des couleurs de vie. Elle s’accroche à cette vision de femme comme à la seule chance d’attraper encore le fil...
Echange de regards. Intuition. Elle l’a comprise. Un signe, un doigt désignant ce coin isolé de la salle. Elles s’y rejoignent et, sans détours, se parlent. Azur clair dans ce monde gris bruyant. Elles sont bien, sans mystères. « J’ai toujours en poche une bobine : des mètres pour ne jamais se perdre. Prends-la. ». Puis des murs de velours, une douceur les enlace, pour se dire.
« Pour ceux qui ont des doutes avec la règle, elle se trouve sur le livre dans la boite. On n’a pas eu de chance avec le temps mais là, on va se détendre.
C’était se rencontrer !

Une étoile avait traversé ciel et plafond.

Un éclair avait dû traverser là, le ciel et le plafond si bas de cette nuit de moiteur sournoise, se faufiler jusqu’au chalet et y entrer par la jalousie mal fermée.

L’accroche-coeur ébranle la vielle porte. Furieuse, il lui vient « Tirer l’embobinette et l’aigrette cherra ! ». Envie de ne voir personne. Il semble écrit qu’elle doive renoncer à cet isolement choisi comme un remède à la trahison, un caressefil à ses maux de coeur qui ne souffrent plus aucun mouchoir.
Soupir, sans rage. Experte en zemblanité, sans même le vouloir, elle ouvre la porte. Le vent s’engouffre dans la pièce à faire rougir le feu, à taquiner les pages du livre qui n’avançaient plus.
Que l’orage éclate ou non dehors cette nuit, il est là, la plaçant face à cette femme, dans la violence de cette accroche.
Sa sensualité enhardirait quiconque. Comme cette roche volcanique, obsidienne, sous sa fourrure. A même la peau, soit ! Mais on est en été !! De quel rêve tombe-t-elle ? Plus couguar que oiseau. Plus genièvre que Geneviève.
Elle l’intimide. La trouble.
Comme un passage de relais, l’autre lui effleure la main, la frôle, entre. Elle ne pourra pas résister.
La fureur va perdurer le temps que l’orage dansera.
Quand au petit matin, les flots ne sont plus que clapotis, la porte s’ouvre sans bruit, la dernière fièvre est tombée. L’inconnue est partie, laissant sur la table, une petite pierre bleue : une vésuvianite, la cyprine.

Sur l’instant, elle sut juste qu’il n’était pas question d’être là pour s’aimer. Mais que ce fut.

Il n’était pas question d’être ailleurs pour s’aimer. Et ce fut.

Là ! Dans cette maison. Au premier étage du restaurant qu’elles ont ensemble tenu jadis.
Elles ont tout bravé. Tous affrontés.
C’était il y a cinquante ans.
L’une mariée, trois fils, quand la seconde arriva au hameau pour travailler.
Elles se sont très vite bien entendues. Heureuses de trouver du temps à partager, pour se détendre des rudesses des jours.
Et puis, à s’être effleuré des doigts ...
Eluder, refuser. Bien sûr qu’elles ont essayé !
Mais à ressentir ce trouble, inquiètes, se sont regardées. Se sont vues. En vérité.
— « Vois-nous comme nous sommes là à nous entortiller ! »
— « Vois-nous comme nous sommes là à nous …aimer ? »
Leur premier baiser … Elles avaient tant à se donner, se réaliser, jouir. Enfin.
L’évidence d’une plénitude qu’une vie ne suffirait pas à épuiser.
Une vie à elles. Et trois enfants.
Se peloter pour faire face. A tous
Ce restaurant. Forcément plus loin. Quitter le village.
Ce fut dur. Elles le savaient.
Ce fut violent à faire accepter, elles ont avancé tête haute.
Ne regrettèrent jamais.
Au décès de l’une à près de 90 ans, l’autre a suivi. Toujours cette évidence. En tendresse.
Sur la table de nuit, dans la bible, une photo, deux femmes, Aimée et Jaguar ...


Des histoires de femmes comme ces trois là, je peux vous en dérouler. Les objets y sont-ils plus présents qu’ailleurs ? Les chercher ? Collectionnez les aussi, si vous voulez ! Lesbonophilez donc ! ou bien, comme elles, choisissez de vivre...

Marie Pour Nulle Part
  


  
  


  
Ce fut, en fait, une chance saisie dans les multiples clapotis qu’offrent une vie, tout sauf une embobinette. Ce fut comme la page d’un livre qu’on tourne.
Il m’a juste fallu m’enhardir pour accepter ce rendez-vous, qui, je le savais déjà depuis quelques temps, allait changer ma vie. Je n’avais pas résisté, je ne voyais même pas pourquoi me censurer. Je l’aimais, je la voulais! Je vivais comme un oiseau, libre, loin de toute zemblanité.
L’accroche entre nous deux nous a mené en quelques jours, par de longues conversations, à une envie de nous qui nous dévorait.
Je me sentais chavirer face à un vent violent, je craignais une tempête et des réactions de rage autour de moi, mais il n’en fut rien ; juste une acceptation (réelle ou feinte), de la part de tous. Je n’ai jamais eu l’impression d’une trahison à l’encontre de mon passé, car il y a, je crois, dans ma vie, de la place pour tout ce qui s’y joue, sans jalousie aucune mais avec de nombreux détours.
Ce vent violent, n’était que le mouvement provoqué par mes propres sentiments, et je nous regardais. Moi callipyge, elle peau de velours et sensualité, taquine, à mille lieux d’une butch…un véritable accroche-coeur, qui avait également accroché dans la moiteur des draps, mes yeux, mon corps tout entier et mes rêves les plus fous.
J’avais l’impression que nos peaux se reconnaissaient, mirage de la passion ou sérendipité ?
Je la trouvais attirante, telle une aigrette garzette qui aurait troqué sa couleur blanche contre un velours couleur obsidienne. Mes yeux azurs rencontraient avec délectation les siens, pleins d’une fièvre rougie par le désir, et mes doigts rencontraient sa fourrure soyeuse, ma chevelure contre la sienne. Puis, comme un gâteau dont la saveur restait à découvrir, ma langue venait d’abord frôler sa cerise, puis plus fermement pour qu’enfin contre sa chair, le fruit éclate et coule la cyprine divine. Nous jouions à caressefil, sans mouchoir, sans accessoire, pour sans fin s’effleurer, se peloter, se consumer, donner, se donner et se prendre.
Nous dansions. Nos corps s’emboitaient, entortillés, et, soulevés par les éclairs de plaisir, devant des miroirs reflétant nos visages troublés, chaviraient finalement, passant d’une intensité presque douloureusement ressentie à une plénitude laissant nos regards flotter dans un ailleurs de mémoires, soudainement détendus.
Intimidées par cette force, nous restions, après avoir jouies, comme deux filles qui partagent leur tendresse en lisant à deux voix un poème de Geneviève Pastre, enlacées, main dans la main, nos sourires éclairés par la lumière vespérale…Puis nous dormions, dans la douceur de la nuit, après l’abandon, alors que les chattes, elles, commençaient à miauler.
Réaliserons-nous un jour ce cadeau de pouvoir lesbonophiler, cette perle précieuse et délicate de la relation à deux, ce joyaux inestimable à partager.
Que la révolte ne triomphe pas, que les maux de notre société ne se faufilent pas jusqu’à nous, que ce souvenir fait de photos dans nos mémoires perdure longtemps sans s’affadir, solide comme un schiste…et évitons une fin tragique telle que dans Aimée et Jaguar.
Nous faisons parties du mystère infini, fil conducteur du train de nos existences sous les étoiles du drapeau arc en ciel, fils de l’univers, où l’amour, le désir et le plaisir de deux êtres, devenaient pendant un instant l’éternité du centre de leur vie.

Laurence Aimée