Rencontre avec les réalisatrices brésiliennes

Malgré ce qu'il était prévu, toutes les réalisatrices brésiliennes n'ont pas pu venir, mais nous avons été heureuses d'accueillir Mônica Sucupira et Tika Tiritilli, qui ont parlé de leur documentaire Uma valsa prá ela (Une valse pour elle). La présence de ces deux réalisatrices brésiliennes - une première dans notre Festival - est un reflet du développement du cinéma lesbien brésilien, qui depuis quelques années dépasse les frontières nationales et les barrières de la lesbophobie. On ne peut que souligner le rôle important qui est sans doute joué par l'existence du festival de cinéma gay et lesbien au Brésil, le Mixbrasil, maintenant dans sa sixième édition. Du côté français, nous sommes fières d'avoir toujours accompagné cette production, ayant montré par la première fois une vidéo brésilienne, Francha com Francha (Gouine après gouine), de Maria Angélica Lemos, dès 1993, à notre festival.

La rencontre avec Mônica Sucupira et Tika Tiritilli nous a permis de découvrir toutes les circonstances du tournage de leur documentaire qui touchait à des questions encore assez marginalisées au Brésil : le lesbianisme et la vieillesse. Leur façon d'aborder ces deux thèmes dans le film est très originale, car il s'agit de faire parler des femmes hétéros âgées de 64 à 81 ans, sur l'amour, le mariage, la sexualité et l'homosexualité, tout en les confrontant à une intervieweuse qui leur déclarait son lesbianisme. La grande conclusion que les deux réalisatrices ont tiré de ce travail - même s'il n'est pas rendu très explicite dans la vidéo - est que, contre toute attente, ces femmes se montrent assez ouvertes aux lesbiennes, et aux homosexuels en général. De plus, elles se montrent heureuses de pouvoir s'exprimer - et surtout que leur opinion soit sollicitée.

Quant aux aspects plus formels du tournage, les deux réalisatrices ont souligné l'importance du lieu où il s'est déroulé, une piscine publique à São Paulo, qu'elles fréquentent régulièrement, où elles côtoyaient déjà quelques unes de ces femmes. Cela leur a donné une liberté d'approche plus grande, en plus d'être une démarche favorable à la visibilité. Pour la petite histoire, elles nous ont raconté qu'après la réalisation de ce film, lorsqu'elles se dénudaient dans le vestiaire, les femmes les regardaient à la hauteur du sexe, comme si elles cherchaient une différence quelconque. Cela montrait bien leur ignorance en ce qui concerne le lesbianisme, ignorance très apparente dans le documentaire.

Par rapport à la répercussion de ce film au Brésil - à part le circuit gay et lesbien, où il a été très bien accueilli, gagnant le prix du public à la 5e édition du Mixbrasil - Mônica Sucupira et Tika Tiritilli ont souligné leur volonté de le montrer à un public très élargi. Ainsi, il a déjà été projeté dans quelques festivals brésiliens de cinéma et aussi à São Paulo dans le centre culturel qui abrite la piscine où le film a été réalisé, suivi d'un débat. Ce fut l'occasion de le montrer aux "comédiennes" - comme les femmes interviewées aiment désormais se présenter - et à leur famille, le résultat du travail. Dans toutes ces occasions, les réalisatrices ont été très bien accueillies, ce qui pour elles est la preuve que ces thèmes, le lesbianisme et la vieillesse, ne sont tabou que par ignorance, par un manque de connaissances généralisé - ce à quoi on peut commencer à remédier par un travail de mise à nu, de visibilité. Une autre confirmation de cette hypothèse pour Mônica Sucupira et Tika Tiritilli est le fait que le gouvernement brésilien a payé les frais de voyage de l'une d'entre elles.

Cependant, cette rencontre si agréable nous a quand même laissées un peu sur notre faim en ce qui concerne le mouvement lesbien au Brésil, un thème qui échappait à la spécificité du débat et sur lequel les deux réalisatrices ne se sentaient pas assez informées pour parler. Mais cela ne nous conduit qu'à souhaiter pour les années à venir d'avoir encore plus de films et de réalisatrices brésiliennes présentes, afin de pouvoir en reparler.