Le Safe sex

Rencontre animée par Suzanne Newman (réalisatrice de Sexo protegido et Violencia Domestica), avec la présence de Sylvia Calle (réalisatrice de O trouble, présenté l'année dernière au festival).

On aurait pu penser que ce thème ne devrait plus susciter ni débats ni doutes, mais cela ne se vérifie pas. Cette lenteur ne surprend finalement pas quand on voit la réticence et la manque de précision patentes dans les campagnes préventives en ce qui concerne la sexualité lesbienne. Ainsi, le documentaire Sexo protegido, de Suzanne Newman, s'est avéré un excellent support pour remettre cette question en discussion, et même si elle a eu comme interlocutrices des femmes de la communauté lesbienne latina aux États-Unis, leurs interventions se sont aisément transposées à la réalité française.

La démarche de la réalisatrice a été de laisser le public parler, poser ses questions, raconter ses expériences, au lieu de faire une exposition savante du safe sex. La première intervention est venue d'une femme médecin présente - appelons-la X, car son nom nous échappe - qui anime des discussions sur des questions relatives à la santé au CEL, à Marseille. Elle a relevé un point très important montré par le documentaire, et qui est d'habitude très peu abordé lorsqu'il est question du safe sex : la prévention ne concerne pas que le VIH, mais aussi toutes les Maladies Sexuellement Transmissibles, comme l'herpès, les infections à trichomonase, les hépatites... Sa participation souleva une discussion dans l'assistance sur l'efficacité du corps médical, et parfois son manque d'informations en matière de VIH, de MST et de safe sex. X était d'accord, et a ajouté que même en s'agissant de professionnelles lesbiennes, il n'y avait pas de garantie que les patientes soient mieux conseillées - ce qui n'invalide nullement la nécessité d'avoir un suivi gynécologique, très souvent délaissé par les lesbiennes. Pourtant, comme l'a observé Suzanne Newman, cette méconnaissance nous oblige à nous renseigner sur tout ce qui concerne les MST et leur prévention, ce qui reste encore la meilleure solution pour nous protéger.

En suivant cette logique, Suzanne a fait circuler dans la salle un "kit" safe sex, composé d'une digue dentaire - pas très agréable à utiliser à cause de son épaisseur, mais qui peut efficacement être remplacée par le film alimentaire (à l'exception de celui destiné au four à micro-ondes, qui est pourvu de petits trous et donc inefficace) ou par un préservatif coupé en deux. Le grand inconvénient de cette dernière solution est la petite taille du rectangle ainsi obtenu et aussi le fait qu'il est très glissant. Par contre, ce problème n'existe pas avec le film alimentaire, qui permet la protection d'une très grande partie du corps - le film Kore Cara Mia, de Pendra Wilson, montré dans la même séance que Sexo protegido, en fournit un bon exemple. Le dernier composant du kit était un doigtier, utile non seulement en cas de blessure aux doigts mais aussi pour éviter tout risque d'infection lors du passage du toucher de l'anus vers le vagin. À ces protections, on a ajouté l'utilisation de gants, pour des pratiques plus fortes, comme le fist fucking. Une suggestion venue du public a été l'utilisation de plusieurs gants les uns sur les autres, à être enlevés au fur et à mesure qu'il y a un changement de la zone ou de la personne touchée, pour éviter des interruptions pour se laver les mains.

À celles que ce petit arsenal a effrayé, il a été rappelé qu'il n'est pas toujours nécessaire, mais qu'il faut toujours savoir quand il l'est. Comme il a été bien démontré dans le film, pour chacune la notion de safe sex lui sera particulière : ce peut être l'utilisation de barrières du type de celles contenues dans le kit, mais ce peut être aussi l'abstention d'ingestion de boisson alcoolique, qui pourrait perturber la conscience du danger, par exemple. Il faut savoir, pourtant, que certaines pratiques impliquent plus de risques que d'autres, comme les rapports pendant les règles. Dans ce cas-là, l'utilisation d'une protection est vivement conseillée.

Mais il est fondamental d'en parler, de discuter avec sa partenaire, car il s'agit d'une décision prise à deux, la responsabilité doit être partagée. Et on touche là à une question très perturbante, justement la difficulté d'en parler, surtout lors d'une premier rencontre. Il est important d'analyser les raisons de cette difficulté, de cette peur de parler. Il ne faut pas se taire par culpabilité, par exemple, car demander une protection montre qu'on se préoccupe de l'autre. De plus, on peut chercher des manières plus ludiques, moins dramatisantes d'en parler et de le pratiquer.

À l'observation que de toute façon, même en discutant, on n'est sûre de rien, car il faut en définitive faire confiance à la personne, Sylvia Calle clôtura le débat : "L'histoire de la confiance vaut pour tout. C'est à dire, c'est pareil : tu es avec une personne qui dit qu'elle t'aimera toute sa vie et tu ne sais pas si le lendemain elle ne va pas croiser quelqu'une d'autre. De tout façon, c'est comme ça, c'est la vie. Après, c'est des alternatives que tu prends, jusqu'à quel point tu te protèges et comment".